La Mauritanie se développe. C’est ce que croient certains. C’est ce que
tous les gouvernants répètent à qui veut les écouter. C’est surtout ce
que traduisent les chiffres - les chiffres ! - d’une économie qu’il faut
cependant lire à plusieurs échelles : celles du pays, des capitales
régionales, des moughataas (départements) et des zones rurales.
Des villes où il ne fait pas bon vivre, on en compte à gogo en
Mauritanie. Des villes où les habitants se délassent faute de travail,
où les citoyens sont pris entre le marteau des commerçants et l’enclume
de l’administration. Le " développement " dont on parle, et encore, se
limite aux villes de Nouakchott et de Nouadhibou qui concentrent ce que
le pays compte d’unités industrielles et de centres d’intérêts.
Le reste des cités souffre, depuis l’indépendance du pays, de l’absence
d’une politique de développement qui prend en compte leurs spécificités,
à l’image d’Aleg, ville mise subitement sous les feux de l’actualité,
en décembre 2007, par le meurtre de quatre touristes français. Aleg, une
ville où il n’y ni projet agricole, ni usine, ni centre de formation
est l’illustration parfaite du mal développement que connaît la
Mauritanie.
A part les commerçants et les travailleurs de l’Administration, tout le
monde survie grâce à des activités informelles auxquelles on ne peut
même pas donner de nom ! Chacun s’improvise un métier, en espérant que
les autres éprouvent le besoin de faire appel à ses services : Vendeuses
de légumes, charretiers, boulangers, manœuvres, coiffeurs, " michelins
", un nom bien de chez nous, restaurateurs, bouchers, voilà à quoi
s’occupent les gens de l’intérieur. Il n’y a ni usine qui a besoin
d’ouvriers, ni ferme agricole qui nécessite une main-d’oeuvre, comme
cela se voit partout dans le monde.
Si Nouakchott et Nouadhibou concentrent aujourd’hui plus du tiers de la
population du pays, c’est certainement la faute à la trop forte
concentration des activités économiques dans ces deux villes qui
n’arrivent plus à satisfaire une demande d’emploi de plus en plus forte.
Si le gouvernement de Moulay Ould Mohamed Laghdaf veut bien mettre à
profit les financements attendus des bailleurs de fonds, tel que cela
s’est dégagé de la table ronde de Bruxelles et des autres accords et
conventions qui en ont découlé, il faut que l’on pense à apporter des
correctifs à la politique de développement du pays, en l’orientant vers
les régions.
Mais attention, l’expérience de l’irrigué dans la Vallée est là pour
prouver qu’il faut éviter l’improvisation et la précipitation qui ont
fait perdre à l’Etat des milliards d’ouguiyas dans les zones
marécageuses du Trarza, du Brakna et du Gorgol. Parce que les
populations de ces zones n’ont pas été associées, de manière directe,
aux programmes mis en œuvre par les pouvoirs publics, les politiques
économiques s’appuyant sur d’importants financements de la Banque
mondiale, du FMI, des fonds arabes et africains se sont transformées,
inévitablement, en éléphants blancs.
Qu’il s’agisse du PDIAM (Programme de développement intégré de
l’agriculture en Mauritanie) ou de l’UNCACEM (crédit agricole), les
fonds alloués ont servi à autre chose (construction de villas, entretien
de bétails, commerce de l’import-export) qu’à développer et moderniser
l’agriculture dans une zone qui pouvait aider à combler le déficit
céréalier chronique du pays. L’expérience de la riziculture et de la
production des fruits et légumes dans la Vallée a tourné au fiasco non
par manque de financements mais de volonté.
L’Etat avait déclassé la SONADER (Société nationale de développement
rural) qui encadrait les producteurs locaux au bénéfice d’un
agro-business certes volontariste mais sans expérience dans le domaine.
Dans les villes de l’intérieur, du Sud, de l’Est et du Centre, les
spécificités économiques doivent être prises en compte, comme pour
Zouerate et Nouadhibou, pour le développement harmonieux de l’ensemble
du pays. C’est cela que le gouvernement actuel doit comprendre pour
résoudre l’équation des déséquilibres entre Nouakchott et le reste de la
Mauritanie.
Sneiba.